Liberdade

Liberdade

La disparition

« On s'était dit rendez-vous dans 10 ans

Même jour, même heure, même pomme

On se verra quand on aura 30 ans

Sur les marches de la place des grands hommes… »

 

Ils sont tous là, Thomas et Ben les jumeaux, Fabrice le casse-gueule, Marc le timide, John le passionné, Rámon le poète, Marie l'intello, Jeanne l'effrontée, Sophie la douce, Sylvie… Sylvie, sa meilleure amie, sa confidente, son âme-sœur.

 

Elle, elle n'est pas là. Bien sûr, pourquoi serait-elle là ? Elle était déjà partie quand on s'est tous promis de se revoir après 10 ans. Et moi, je suis parti le lendemain de cette promesse d'adolescents attardés à la table de leurs 20 ans. Ils étaient beaux nos rêves à l'époque, on voulait tout simplement changer le monde avec notre révolte au bout des lèvres et nos rêves comme seule arme. Mais on y croyait. Ils y croyaient tous tant qu'Anita était là, avec nous, avec eux, avec moi. Un jour, elle est partie sans un mot, sans un regard. Traîtresse assassine de ma jeunesse. Elle ne sait pas ce qu'elle a tué en moi et que je n'ai plus jamais retrouvé.

 

Les larmes inondent mes yeux au souvenir de ce passé encore si douloureux. Ce passé non encore cicatrisé. Je n'ai jamais su pourquoi elle était partie. Ou peut-être n'ais-je pas voulu savoir. J'ai quitté la ville quelques jours après elle et n'ai plus jamais donné de mes nouvelles à ceux qui malgré tout restaient mes seuls amis, n'ai pas voulu en prendre non plus de peur peut-être qu'ils ne m'en donnent d'elle.

 

De loin, je les vois qui s'embrassent, qui s'enlacent. Ils n'ont pas changé… quelques rides en plus pour les uns, quelques cheveux en moins pour les autres, et pour tous le regard un peu perdu de ceux qui se retrouvent en un instant plongés dans le passé.

 

Je m'approche finalement. Ils accourent vers moi avec l'insouciance retrouvée, me prennent dans leurs bras, me soulèvent, me soupèsent. Je comprends dans leurs regards qu'ils pensaient que je ne viendrais pas.  Seule Sylvie est restée un peu à l'écart. Pourquoi ? Je vais vers elle et nos mains s'unissent, nos yeux semblent avoir la même vision. Anita est là, entre nous, dans notre cœur, dans notre âme. Sylvie se blottit tout contre moi et je sens son corps trembler. Sa main retire une enveloppe de sa poche et me la tend. Une lettre. Vieille vue son aspect. A-t-on le pouvoir inconscient de deviner certaines choses lorsqu'elles nous arrivent ? je ne sais pas, mais j'ai su tout de suite que c'était une lettre d'Anita.

 

Les autres sont restés à l'écart, savent-ils ?

 

Je manque m'évanouir, mon cœur palpite, mes mains moites déchiquètent l'enveloppe, déplient la lettre. Je commence à lire… et là, je ne sais plus, je ne sens plus, je ne vois plus. Le trou noir. Le néant.

Ils m'ont dit que je m'étais évanoui… le cœur a lâché… ils ont eu peur pour moi… Samu, réa, et la vie qui revient peu à peu dans mes veines.

 

Pourquoi ? pourquoi m'avez-vous fait revenir.

 

La lettre est là, ouverte, sur la petite table blanche de la chambre d'hôpital. Le souvenir de ce que j'y ai lu revient à la surface et c'est un hurlement, un cri effroyable de douleur qui sort soudain de mes entrailles…

 

« Mon amour, pardonne-moi. Je pars. Mais ce n'est pas moi qui pars, c'est mon âme qui doucement quitte mon corps. Sylvie te remettra cette lettre lorsque je ne serai plus là car je sais que tu n'aurais pas adhéré à son contenu. Je pars comme une voleuse, comme une meurtrière. Je n'ai pas le courage de t'affronter dans ce moment si douloureux. J'emporte ton regard et ton sourire avec moi. J'emporte nos rêves inachevés, nos projets brisés, nos vies soudain éclatées. J'emporte tout ce qui fut toi, tout ce qui fut nous. Pardonne-moi mon amour, je veux que tu gardes dans ton cœur l'image de celle que tu aimes aujourd'hui, cette jeune fille dont tu aimes tant vanter la beauté… pas l'image atrophiée que la maladie ne manquera de me donner. Je pars mais je serai toujours à tes côtés, comme une ombre floue plânant sur ton existence, un ange dont, je le sais, tu sentiras la présence. La maladie me ronge, elle me consume jour après jour, elle s'empare de mon corps, de mon esprit, de mon âme… c'est trop dur de rester. Pardon mon amour. Anita ».



17/01/2007
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